L’enseignement du latin et du grec au lycée Couperin
Langue ancienne, langue morte, lettres classiques, LCA, latin, grec : c’est quoi la différence ?
Dans l’histoire de l’éducation en Europe occidentale, le latin a longtemps joué un rôle central, avant de perdre progressivement sa place et d’être considéré désormais comme une « langue morte » – ce qu’il n’est pas tout à fait vrai puisqu’il demeure productif sur le plan lexical. Quant au grec ancien, il n’est certes plus parlé en tant que tel, mais il s’agit tout de même bien de la même langue que celle actuellement parlée en Grèce et à Chypre. Evidemment, un locuteur actuel du grec ancien dans une taverne de Plaka passerait pour l’un des personnages des Visiteurs, mais, à l’écrit, la différence s’amoindrit.
Ce n’est donc pas seulement par euphémisme que l’on préfère les expressions « langue ancienne » ou « langues de l’Antiquité » à « langue morte ».
Par ailleurs, la connaissance du latin et du grec permet la lecture des textes classiques, ceux qui forment le canon des auteurs occidentaux au moins jusqu’au XIXe siècle, d’où l’appellation « lettres classiques », qui correspond toujours à l’intitulé du concours des enseignants aptes à enseigner le français, le latin et le grec. Les programmes actuels utilisent eux l’expression « langues et cultures de l’Antiquité » (LCA) traduisant une inflexion de notre enseignement, qui accorde désormais une part égale à la culture et à la langue. Les auteurs étudiés ne sont d’ailleurs pas cantonnés à l’époque antique, mais vont jusqu’au Moyen Âge et à la Renaissance.
Mais, du coup, je m’inscris en quoi ? En LCA ? En latin ? En grec ?
Au lycée Couperin, les deux langues, latin et grec, sont enseignées. Certains établissements pratiquent l’ECLA (pour Enseignement Conjoint des Langues de l’Antiquité). Nous avons préféré ouvrir deux cours distincts, l’un de latin, l’autre de grec.
Les élèves peuvent donc choisir d’apprendre soit le latin, soit le grec. Il est évidemment possible de suivre ces deux enseignements : latin et grec, mais cela exerce de fortes contraintes sur les emplois du temps. Cette combinaison ne peut donc être garantie.
Présentation de l’enseignement optionnel latin/grec Langue et culture de l’Antiquité | Année 2024-2025
Si je ne peux pas faire les deux, comment choisir entre latin et grec ?
Il s’agit de deux langues très différentes ! Certes, elles appartiennent toutes deux à la famille des langues indo-européennes, mais leur évolution respective les distingue très fortement l’une de l’autre.
Le latin est l’ancêtre direct du français : il apparaît donc comme plus familier. Le grec, lui, s’écrit dans un autre alphabet, ce qui lui confère immédiatement une allure d’étrangeté.
Il n’y en pas une plus difficile que l’autre ! Le corpus des textes n’est pas tout à fait le même non plus : le grec est la langue des philosophes (Platon, Aristote), des tragiques (Sophocle, Euripide, Eschyle) et puis celle des premiers textes de la littérature occidentale, l’Iliade et l’Odyssée. Le latin est la langue de grands poètes (Ovide, Virgile), d’historiens qui ont passionné les auteurs du XVIIe siècle (Tite-Live, Tacite), de grands orateurs aussi (Cicéron).
Je n’ai jamais fait de latin/de grec au collège, je ne vais pas commencer au lycée…
Eh pourquoi pas ? Le cours est ouvert à tous les élèves, qu’ils soient ou non débutants. Il est donc possible de s’inscrire non seulement en seconde, mais aussi en première, puis en terminale au cours, même si l’on débute complètement dans la langue, que ce soit en latin ou en grec. Avoir fait du latin au collège a permis de se familiariser avec le système de la déclinaison ; c’est une bonne introduction au grec, mais ce n’est pas obligatoire.
Comment le cours est-il organisé ?
Les enseignements de latin et de grec sont des enseignements optionnels. Il y a deux heures de latin (ou de grec) par semaine. Dans la mesure où il s’agit d’un cours en plus des enseignements obligatoires, il n’y a pas de travail à faire à la maison d’une séance à l’autre. Le travail est fait en classe.
Mais est-ce que je peux cumuler cette option avec un autre ? Je pensais faire maths expertes l’an prochain…
En théorie, oui : le latin et le grec bénéficient d’un statut dérogatoire. On peut donc parfaitement cumuler le latin (et/ou le grec) avec l’option maths expertes ou histoire des arts ou n’importe quelle autre option. En revanche, pas sûr que cela entre dans l’emploi du temps. Il faut donc bien prioriser ses choix !
Et pour le bac, ça change quelque chose ?
Oui. Les enseignements optionnels contribuent au contrôle continu et apportent donc des points en plus. Faire du latin et/ou du grec apporte donc un bénéfice en matière de notes.
Et sur Parcoursup ?
Pierre Bourdieu a signalé dans ses travaux l’enjeu que constitue l’enseignement du latin et du grec comme outil de distinction, en l’occurrence de la bourgeoisie. Cet enseignement est accessible à toutes et à tous, mais il opère bien comme un moyen de se distinguer. Lors de l’examen des candidatures sur Parcoursup, il est repéré comme le signe d’une curiosité, un gage de rigueur, de capacité de mise en perspective. C’est une discipline rare : elle attire donc l’attention.
Y a-t-il des filières pour lesquelles avoir suivi cet enseignement est obligatoire ?
Aucune filière de l’enseignement supérieur n’exige des connaissances préalables en latin et en grec. Cependant, les futurs élèves des filières de littérature et de sciences humaines (en histoire, histoire des arts, archéologie, philosophie notamment) gagneront un temps précieux s’ils maîtrisent déjà l’une de ses langues.
Enfin, dans la filière A/L des CPGE littéraire, il est obligatoire de suivre au moins un enseignement de langue ancienne. Ne pas débuter en latin et/ou en grec représente un gain de temps considérable pour une année par ailleurs très chargée !
Avec quels enseignements de spécialité combiner cette option pour dessiner un parcours cohérent ?
Les programmes de LCA sont largement ouverts en direction des autres disciplines. Dès lors, les liens avec les autres matières enseignées au lycée sont nombreux. On peut ainsi penser à plusieurs combinaisons judicieuses (voir diapo suivante).
Mais, dans le fond, n’est-ce pas une matière poussiéreuse ?
Dès le siècle des Lumières, on a reproché au cours de latin de transmettre des savoirs inutiles dans un monde où les savoirs techniques paraissent plus immédiatement utiles. Pourtant le grand public ne cesse de se passionner pour les cultures antiques, comme en témoignent nombre de parutions de fictions ou d’essais, de films, de jeux vidéo, de références esthétiques à l’Antiquité, etc. Quant au programme de cette option, il est largement ouvert sur le monde actuel et les problématiques contemporaines (les limites de l’humanité, le rapport à l’animal et à la nature, la quête du bonheur, etc.).
Conscients que les cours de latin ou de grec à l’ancienne ont pu décourager nombre d’élèves, les professeurs de Lettres classiques sont nombreux à réfléchir aux moyens de dynamiser leur enseignement, en particulier en tissant des liens féconds avec le temps présent pour mieux le mettre en perspective. Apprendre le latin et le grec est l’occasion précieuse de faire un pas de côté pour mieux appréhender les enjeux contemporains.
